Accompagner la séparation et le deuil chez les enfants

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Les milieux d’accueil de l’enfance sont rythmés par les joies mais aussi les drames vécus par les familles accueillies. Une séparation, un deuil… Les professionnel.le.s de l’enfance se retrouvent parfois démuni.e.s face à ce que peuvent vivre les familles et sont souvent en première ligne, à l’écoute des parents et des enfants. Cela peut également venir faire écho à des vécus personnels et provoquer certaines émotions. Dès lors, comment accompagner au mieux les enfants dans leurs évènements de vie ? Vers quelle posture professionnelle tendre pour le bien-être des enfants face à ces chamboulements émotionnels ?

La séparation des parents

Une séparation des parents est assez courante et elle provoque un tourbillon d’émotions chez les enfants. Même si généralement c’est pour un mieux au niveau du bien-être de chaque membre de la famille, une séparation est un énorme chamboulement dans la vie d’un enfant et il faut beaucoup de temps pour que celui-ci s’y adapte. Souvent, un deuil de la famille doit s’opérer et l’enfant traverse toute une série d’étapes avant d’accepter la situation et d’être apaisé et sécurisé.

Observer l’enfant

Bien que les enfants en bas âge ne peuvent pas encore saisir tous les enjeux de la situation, ils comprennent en tout cas qu’il y a un grand changement et que leurs parents traversent une période compliquée émotionnellement. Certains enfants peuvent se replier sur eux-mêmes, d’autres montrent davantage de tristesse ou de colère, certains vont « régresser », d’autres peuvent grandir un peu trop vite… Soyons attentifs aux comportements de l’enfant, ceux-ci peuvent nous en dire beaucoup sur leur état psychique dans cette situation particulière.

Certains enfants peuvent également ne montrer aucun signe particulier et sembler « fonctionner normalement ». Monique Meyfroet, psychologue et formatrice, dit une phrase très juste, « les enfants s’adaptent à tout, mais à quel prix ? ». Effectivement, même si un enfant ne semble pas perturbé, cela n’enlève en rien la complexité et la difficulté de la situation.

Accueillir ses émotions

En tant que professionnel.le de l’enfance, une écoute sans jugement et sans interférence de nos propres valeurs est nécessaire afin d’accompagner au mieux l’enfant dans le milieu d’accueil. Accompagner l’enfant, c’est accueillir ses émotions : sa tristesse, sa colère, ses peurs, parfois son dégoût et aussi pouvoir écouter son incompréhension et son sentiment de culpabilité. Souvent, l’enfant ne sait pas vraiment ce qui va lui arriver dans le futur, cette incertitude peut être très anxiogène et a besoin d’être déposée et contenue.

Reformuler

L’enfant qui vit la séparation de ses parents aura peut-être besoin de verbaliser ou d’extérioriser ce grand bouleversement. Pour l’aider, reformuler ce qu’il amène pendant le temps d’accueil sera bénéfique. Il se sentira alors écouté et contenu par les paroles des adultes. Dans le milieu d’accueil, chansons, livres et jeux symboliques pourront également soutenir la verbalisation des enfants sur ce qu’ils vivent. Soyez attentifs à proposer en tout temps ces ouvrages spécifiques à cette thématique. De cette manière, l’enfant pourra prendre un livre ou en demander la lecture quand il en ressent le besoin.

Réinstaurer des rituels

Il est également important d’être attentifs aux rituels de l’enfant. En effet, la séparation de ses parents peut impliquer une grande instabilité chez l’enfant. Les parents peuvent être moins disponibles pour leur enfant. Ils sont eux-mêmes sont chamboulés et doivent réorganiser leur vie. Réinstaurer des rituels et créer de la prévisibilité permet de venir contrebalancer cette instabilité. Dans la même lignée, il est essentiel d’être attentifs à ce que le milieu d’accueil soit un endroit stable pour l’enfant, qu’il y retrouve ses repères. Bien que tout soit bousculé à la maison, retrouver ses repères à la crèche (comme sa puéricultrice référente), à l’accueil extra-scolaire ou dans son école de devoirs, pour n’en citer que quelques-uns, sera rassurant pour l’enfant. De même, savoir qu’un adulte est disponible pour lui, pour un moment calme, pour un moment privilégié de lecture ou de jeu sera réconfortant et sécurisant.

Avoir des ressources et parfois rediriger

Les parents en pleine séparation trouvent parfois refuge auprès des professionnel.le.s de l’enfance ne sachant pas comment communiquer autour de la séparation avec leur enfant. Dans ce cadre, il peut être intéressant d’avoir à disposition des livres traitant de cette thématique à prêter aux parents afin de les soutenir. L’idée n’étant pas d’exclure les parents mais de collaborer au mieux avec eux pour le bien-être de l’enfant.

Des professionnel.le.s externes peuvent aussi être des ressources (psychologues, référents santé, référents pédagogiques de l’ONE…). En effet, parfois les situations sont très complexes et il est nécessaire de relayer et de rediriger vers d’autres professionnel.le.s qualifiés.

Par ailleurs, il est important de pouvoir aussi se relayer si besoin, entre professionnel.e dans une équipe, lorsque certains vécus font échos et provoquent des émotions difficiles à gérer.

Ne pas stigmatiser

Attention à ne pas étiqueter l’enfant comme celui qui est en train de vivre un drame. Bien qu’il soit bénéfique d’avoir un œil attentif à ce que l’enfant vit, il ne faut pas le stigmatiser et interpréter tous ses comportements sous ce regard. En effet, cela risquerait de renforcer ce stigma de « je vis quelque chose de grave » et lui procurer davantage d’émotions difficiles.

Le deuil chez l’enfant

Il n’est jamais facile d’accompagner la souffrance d’un enfant face à la mort d’un proche. Nous souhaiterions que les enfants ne connaissent pas ce chagrin mais que ce soit le décès d’une grand-mère, d’un parent, d’une sœur, d’un copain, d’un oncle… Malheureusement, cela arrive et fait partie de la vie. L’enfant va également vivre une multitude de deuils plus petits comme la mort de son animal domestique, une séparation des parents, des déménagements, …

La compréhension de la mort évolue en fonction de l’âge de l’enfant mais aussi en fonction de son développement, de ses expériences et de son vécu.

Le bébé et les jeunes enfants n’ont pas de compréhension du concept de la mort mais ressentent tout de même, au niveau émotionnel, la séparation avec le proche. En effet, avant 6 ans, la mort représente l’absence mais elle perçue comme un phénomène passager et réversible ; le proche est perçu comme pouvant tout à fait revenir.   

Vers 6 ans, l’enfant commence à réaliser que la mort est irréversible et qu’elle peut toucher ses proches. L’enfant se réfère à des caractéristiques physiques telles que l’immobilité mais de la confusion existe toujours.

C’est vers 10 ans que l’enfant va comprendre de manière globale ce qu’implique la mort.

La souffrance des enfants face à un deuil peut être minimisée car ceux-ci ne verbalisent pas autant que les adultes. Comme lors d’une séparation des parents, la détresse émotionnelle de l’enfant peut se manifester par divers comportements comme un détachement (retourner jouer directement après l’annonce), un repli sur soi, des attitudes de régression, des perturbations du sommeil ou de l’alimentation, de l’agressivité, de l’agitation, de la révolte ou encore des plaintes psychosomatiques1. L’enfant peut également mettre en jeu la mort du proche de manière fréquente et compulsive². Ce « faux » jeu peut rassurer à tort les adultes mais en réalité, il s’agit d’un jeu traumatique qu’il est important de comprendre et d’accompagner.

Deuil 2

Afin de faciliter la compréhension des évènements et de l’accompagner face à la douleur de la perte d’un proche, il est important d’être disponible émotionnellement. Au-delà des conseils énoncés ci-dessus dans la partie « séparation des parents » qui sont tout aussi valables lors d’un deuil (accueillir les émotions, reformuler, instaurer des rituels, de la sécurité ou être attentifs à la routine, ne pas stigmatiser…), voici quelques pistes de réflexion :

  • Être disponible émotionnellement pour l’enfant, c’est aussi réussir à être présent, à l’écoute sans être contaminé par l’intensité de la détresse de l’enfant. Si l’adulte proche n’est pas disponible émotionnellement, parce que lui-même est pris dans sa tristesse, sa colère, …, il est important qu’un autre adulte puisse se rendre disponible pour lui, passer du temps, simplement, sans enjeux, à ses côtés pour qu’il puisse s’exprimer, poser ses questions, exprimer ses réactions même dérangeantes …
  • Respecter le rythme de l’enfant est primordial. Si on respecte celui-ci, en étant simplement disponible et à l’écoute, l’enfant ne va prendre de la situation que ce qu’il peut en supporter, en « intégrer » à ce moment-là de sa vie et de son développement, même si ce rythme est très différent de celui de l’adulte.
  • Dans le cas où un bébé ou un tout petit doit faire face à un deuil, parlez-lui doucement de l’évènement, gardez le contact visuel, soyez présent. Même s’il ne comprend pas, il se sentira réconforté par vos gestes et votre présence.
  • Il est important de dire la vérité aux enfants, d’utiliser des mots simples et authentiques. Il est, en effet, préférable d’utiliser des mots de la réalité plutôt que des métaphores ou expressions comme « il est au ciel ». Cela amène de la confusion et de l’incompréhension. Cela ne veut pas dire pour autant utiliser des mots brutaux, des détails inutiles ou inadaptés à l’âge de l’enfant, il faut qu’il puisse comprendre vos mots en toute bienveillance.
  • Plutôt que de proposer un livre sur le deuil au moment où l’enfant le vit, il est intéressant de disposer en tout temps dans le milieu d’accueil des livres traitant des thématiques du deuil et de la mort. De cette manière, l’enfant peut le prendre ou en demander la lecture quand il en ressent le besoin.
  • A l’instar de ce qui se fait en milieu d’accueil de la petite enfance où il est souvent proposé aux enfants d’apporter une photo de leur famille, il peut être proposé à l’enfant de prendre une photo du proche décédé et de la placer à un endroit dédié. Rappeler à l’enfant qu’il pourra toujours penser au proche et aux souvenirs associés pourra être réconfortant.

Ressources :

deuil 1

Remerciements :

Merci à Roxane De Limelette de l’asbl Boucle d’Or (https://www.boucledorasbl.com/) pour ces précieuses références d’albums pour enfants.