Harcèlement et empathie : une étude de 2017

Natacha Hoareau, doctorante en psychologie sociale à l’université Lille 3 et psychologue clinicienne, est venue à l’UCL le 12 décembre 2017 présenter sa recherche concernant le harcèlement scolaire.

Le harcèlement scolaire se définit comme une forme de violence qui peut être physique, psychologique et/ou verbale. Le harcèlement scolaire présente des caractéristiques telles qu’une répétition dans le temps, une volonté de nuire à autrui et un déséquilibre de force entre victime et agresseur.

En quelques chiffres…
En France, en 2013, le harcèlement scolaire touchait 1.2 millions d’élèves ; ce qui correspond à 10% des collégiens. En Belgique, les chiffres diffèrent. Nous parlons de 35% des jeunes scolarisés. Comment peut-on expliquer cette différence de pourcentages entre deux pays si proches  géographiquement ? Il s’agit peut-être d’un sous-diagnostic en France. Dans tous les cas, Mme Hoareau constate sur le terrain bien plus de 10% des jeunes touchés par le harcèlement scolaire. De plus, chez les 11-16 ans, 12% se disent touchés régulièrement par le cyber-harcèlement. En Belgique, 27% du secondaire ont rapporté avoir déjà été harcelés sur internet. Cependant, il y aurait tout de même moins de cyber-harcèlement que d’harcèlement classique. Il existe peu de données en France sur le sujet alors qu’il est primordial de comprendre les phénomènes de harcèlement afin de les prévenir. Il manque donc d’étude ainsi que d’intervention. Il a fallu attendre 2011 pour avoir la première compagne de prévention et de lutte contre le harcèlement.

La thèse de N. Hoareau a pour but de mieux comprendre les facteurs de risque et de protection (personnels, familiaux, environnementaux et psycho-sociaux) par rapport au harcèlement ainsi que de mettre en place une intervention. Selon les revues de la littérature, le manque de compétences psycho-sociales joue un rôle considérable dans le harcèlement scolaire. Plusieurs études ont montré que les programmes les plus efficaces, afin de prévenir le harcèlement, sont ceux qui développent une à deux compétences psycho-sociales, via des supports ludiques  comme le théâtre, les jeux de rôles… Il est également nécessaire de mettre en place un ancrage dans le temps, c’est-à-dire plus de trois séances d’intervention.
L’étude principale qu’a menée N. Hoareau concerne les enfants dans la tranche d’âge 11-12 ans car il existe un pic de harcèlement scolaire à cet âge, en fin de primaire. Suite à la littérature scientifique présentée ci-dessus, Mme Hoareau a voulu tester l’impact du jeu de rôle sur l’empathie des enfants. Son pari était donc d’augmenter leur empathie en jouant afin de diminuer les comportements de harcèlement. En effet, selon la littérature, plus un élève a un déficit d’empathie, plus il est possible qu’il développe des comportements de harcèlement.

Élèves, manque d’empathie et agressivité

L’empathie, qui est une compétence psycho-sociale, peut donc être un facteur de protection. Cette compétence peut être travaillée via le jeu de rôle. Cela favorise le développement des compétences psycho-sociales. Il s’agit donc de scénarios où les élèves jouent le rôle de la victime, de l’agresseur mais aussi du témoin. Cela permet de jouer, comprendre et ressentir les émotions et d’observer les autres élèves (apprentissage vicariant //Théorie socio-cognitive de Bandura). Le simple fait d’observer permet d’acquérir de nouveaux comportements.

L’étude se portait sur 86 enfants, un groupe contrôle et un groupe expérimental. Pour le groupe expérimental, la méthodologie se composait de questionnaires auto-rapportés, suivis de trois séances d’une heure de jeux de rôle. Il s’agissait de groupes de 8 élèves et l’animatrice effectuaient avec eux, un travail sur les émotions ressenties, vécues et observées. On y travaillait donc l’empathie et on travaillait également sur les conséquences du harcèlement et les solutions et ressources envisageables (numéro à appeler par exemple). Les questionnaires étaient à nouveau remplis après les séances de jeux de rôle. Ces questionnaires comprenaient des échelles mesurant les comportements de harcèlement, les comportements agressifs ainsi que l’empathie. Il est important de noter que les animateurs étaient disponibles après chaque séance de jeu de rôle afin que les enfants puissent discuter si besoin.

Pour le groupe contrôle, les trois séances étaient composées de vidéos de prévention sur le harcèlement scolaire suivies de discussions. Ces vidéos permettaient de sensibiliser et de discuter sur les conséquences et solutions par rapport au harcèlement mais il n’y avait pas de travail effectué sur les émotions et sur l’empathie. Ce groupe contrôle remplissait également les mêmes questionnaires auto-rapportés que le groupe expérimental, six semaines, six mois et un an plus tard.

Les résultats de cette étude ont montré que pour le groupe expérimental, on constatait une augmentation de l’empathie après les jeux de rôle. Il y avait également une diminution des comportements agressifs et d’harcèlement. En effet, le jeu de rôle a aidé à développer de nouvelles compétences psycho-sociales, à créer de nouvelles normes. Ici, l’empathie était visée. Lors de cette étude, les professeurs étaient également impliqués. Une fois par mois ou par trimestre, une réunion avait lieu entre professeurs et intervenants afin de faire le point sur le harcèlement au sein de l’école. Les professeurs pouvaient également être formés au jeu de rôle (// Domino ; 2013, le protocole du jeu de rôle).

Les résultats du groupe contrôle n’ont montré aucune différence en ce qui concerne la diminution des comportements agressifs et de harcèlement. Il faut donc souligner que les vidéos de sensibilisation et de prévention n’ont pas l’effet souhaité d’où l’importance de changer de méthode au plus vite.

En conclusion, favoriser des ateliers autour de l’empathie via des jeux de rôle, par exemple, est un réel levier contre le harcèlement. Pour en apprendre plus sur le sujet : voir l’article. 

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